Datura

Publié le par l'oeil et l'oreille

Datura

(...) C'étaient les vacances d'été, les rues étaient pleines de monde. L'air sentait l'asphalte fondu, et Hashi marchait avec la sensation qu'un long ruban tiède et visqueux se déroulait sous ses pas. Comme si tous les passants tissaient ensemble un énorme cocon blanc entre les murs de verre, de béton et de métal, traînant des fils gluants à l'arrière de leurs semelles.
Oui, cette ville était une énorme chrysalide argentée, un papillon géant allait s'en envoler un jour ou l'autre, puis son ventre exploserait et il en pleuvrait des millions de mouches à visage humain qui recouvriraient tous les buildings. Il entendait déjà le bruissement de leurs ailes.
Pourquoi ai-je fait autant d'efforts pour que tout le monde m'aime ?
Pourquoi suis-je incapable de vivre sans une présence amicale à mes côtés ?
Depuis mon abandon, j'ai toujours été à la recherche de quelque chose, j'avais faim de quelque chose, étais-ce vraiment ce son que je cherchais ?
Je n'ai rien trouvé, rien, rien n'a changé, je suis toujours au fond de cette consigne, enfermé dans une boite la peau rongée d'eczéma, mais cette fois je n'attendrai pas qu'un chien d'aveugle sente mon odeur et se mette à aboyer. (...)

Murakami Ryû, Les bébés de la consigne automatique.

Où la noiceur poétique arrive à ce point d'excellence qu'on redoute la page suivante, mais qu'on s'y laisse engluer quand même...avec une certaine délectation consentante...

Publié dans L'oeil à ouvrir

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R
Oh un poisson mort
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