Retour à la case départ

Publié le par l'oeil et l'oreille


Retour à la case départ

Ce matin là, j’ai regardé la porte, cette porte à barreaux.
Puis j’ai regardé au travers, au travers des carreaux.
Le monde semble si vaste...
Et l’on vit toujours dans les quelques mêmes kilomètres carrés.
Et puis il y a sur mes mains cette odeur de fuel...
Je suis resté là, comme ça, longtemps.
Je me suis rappelé toutes ces nuits où j’ai campé dans mon jardin,
par manque de moyens, par peur d’aller plus loin.
Toutes ces nuits où elles me manquaient, même lorsqu’elles étaient là.
Et puis je me suis jeté à l’eau, j’ai bu la tasse.
J’ai ouvert la porte et j’ai ouvert les yeux.
Il pleuvait de plus en plus. Je suis parti quand même.
Je n’ai pas fermé derrière moi.
J’ai longtemps marché, le pouce tendu vers le ciel et vers les autres.
J’ai traversé des villes et leurs lumières qui saluaient mon exil.
Je les ai vus les fanfares et les rêves collés autour.
J’ai traversé des bars, des gens. Je me suis assis sur des bancs.
C’était bien...
J’ai semé parfois quelques mots, quelques crachats.
Mes uniques regrets s’apparentaient à des gueules de bois.
Et même s’il y a des nuits où je me suis trompé, j’ai continué.
Juste plus loin, je me sentais bien.
Ne plus être d’où l’on vient et pas encore où l’on va.
Ne pas se sentir à l’envers, se sentir à l’endroit.
Les autres restent et moi je passe.
J’ai contemplé la route comme une étoile, mon étoile.
J’ai fixé des feux rouges dans des froids pas possibles.
Lorsque par hasard mon regard croisait l’orange, je faisais un voeu.
Les étoiles filantes sont si rares en novembre.
J’ai fumé beaucoup de cigarettes, comme ça, pour rien, pour exister.
Jusqu’à la mer...
J’ai appris qu’il est une difficulté d’être qui s’efface au fur et à mesure des kilomètres.
Mais ce qu’il y a de terrible avec la mer, c’est qu’une fois devant il ne reste plus qu’à faire marche arrière.
Je suis rentré, là où il pleut, là où je crève peu à peu.
Mais après tout le soleil se lève ici aussi.
Et puis il s’agit d’un nouveau départ.
Partir à la recherche d’un emploi, à la recherche d’une vie de merde.
Thibaut Derien, Vasistas

Publié dans L'oreille à tendre

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